La géographie comme science sociale
La géographie est-elle une science sociale ?
Introduction : au risque de heurter celui qui a posé ce sujet, je commencerai par affirmer que cette question ne se pose pas, ne se
pose plus ! Quel géographe aujourd’hui répondrait non ? On peut même affirmer que c’est justement cette appartenance aux
sciences sociales qui relie les différentes branches de la géographie d’aujourd’hui. C’est ce que
je démontrerai dans ma première partie avant de revenir sur mon postulat pour montrer que cette « évidence » n’en a pas toujours
été une et qu’elle repose sur une conception floue des notions de « science » et de « science sociale ».
I. La géographie d’aujourd’hui est résolument une science sociale
Parce qu’elle place la société au cœur de ses préoccupations. On peut commencer par le plus paradoxal : la géographie physique
intègre désormais de façon quasi naturelle la dimension sociale, la relation nature-société. 0n peut prendre l’exemple de la
géographie des risques: citer par exemple l’ouvrage collectif dirigé par Antoine Bailly - Risques naturels, risques de sociétés -
Economica – 1996, ou le manuel universitaire d’André Dauphiné, - Risques et catastrophes. Observer, spatialiser, comprendre, gérer - A.
Colin – 2003 ou celui d’Yvette Veyret et Veyret Y. et Nancy Meschinet de Richemond - Géographie des risques naturels en France. De
l'aléa à la gestion - Hatier – 2004. En France, aujourd’hui, c’est à l’université de Montpellier que la géographie des risques est la
plus développée autour de N Meschinet de Richemont et Frédéric Leone notamment, ils s’intéressent aux conditions physiques
des risques (aléas) et à leur « gestion » par les sociétés (gouvernance des risques) entre autre dans leur dimension sociale
(différences d’exposition au risque par exemple). On peut aussi prendre l’exemple de la géographie du climat (référence dans les
cours).
Parce qu’elle fait des faits de société ses objets d’étude [ évoquer quelques exemples : Augustin géo du sport
(doc 3) Guy di Méo les territoires du quotidien (ou autre exemple que vous avez rencontré] et ensuite recentrer sur les documents
2 et 3 qui montrent comment les études urbaines placent la dimension sociale au centre de leurs analyse. Ainsi le document 2
permet de dire montrer comment les modèles spatiaux issus de la Nouvelle géographie servent à l’interprétation de situations
socio-spatiales des villes. Il est possible de commenter un peu plus ces documents en soulignant la différence entre le travail
scientifique de G-F Dumont et le contenu du manuel scolaire (on peut aussi garder cela pour répondre à une question inévitable).
Le document 2 développe une thèse qui remet en cause la pertinence des modèles interprétatifs classiques qui opposent villes
européennes et villes américaines en montrant que les métropoles régionales française, sur le plan de l’exclusion, relèvent
davantage d’un « modèle américain » (non concentrique) que d’un « modèle européen » (concentique). Le document 3, de son
côté peut-être considéré comme en décalage avec la recherche puisqu’il s’appuie sur la généralisation du modèle concentrique.
Parce qu’elle mobilise des méthodes qu’elle emprunte aux autres sciences : statistiques comme l’économie et la
sociologie classique (ex géo économique, géographie régionale et illustration ici avec le document 2), enquêtes comme l’ethnologie
et la sociologie (ex géographie culturelle) voire l’anthropologie (cf travaux des géographes bordelais dans le sillage de Guy Di
Méo, comme Djémila Zeneidi-Henry (Les SDF et la ville. Géographie du savoir-survivre, 2002) ou d’Yves Raibaut sur les territoires de
la musique.
Par ses usages sociaux la géographie est une science au service de la société d’aujourd’hui : la géographie ne sert
pas qu’à « faire la guerre » (au sens strict) mais aussi à l’aménagement (cf l’engagement des géographes, Philipponeau, Frémont,
Brunet, Lussault…), l’explication des relations milieu-société donc l’information des citoyens (Veyret, on peut citer Jean-Pierre
Marchand qui parlait de « géographie physique, science sociale »), la mise en lumière des mécanismes sociaux (inégalités spatiales,
pouvoirs… pe Mike Davis sur Los Angeles)…
Ces finalités sociales de la géographie ne sont d’ailleurs pas spécifiques à notre époque, elles ont contribué à troubler l’image de
science objective à laquelle la géographie a souvent prétendu…
II. La géographie a toujours eu du mal à se définir parmi les sciences et les sciences sociales
A l’université les départements de géographie se sont localisés tantôt parmi les « sciences » de la nature ou de la terre (notamment
en Angleterre) tantôt parmi les sciences humaines (notamment en France, cf le rapport de proximité-dépendance avec l’histoire)
ou les sciences sociales (notamment aux Etats-Unis) Elle n’a jamais été totalement séparée des sciences sociales : on peut évoquer
la géographie humaine de Jean Brunhes et la volonté de faire de la géographie une « Science de synthèse entre nature et culture »
de Vidal de la Blache. Mais l’approche vidalienne et plus encore celle de la géographie régionale française essentiellement
descriptive faisait de la production géographique davantage un texte descriptif qu’explicatif au point que la géographie est
longtemps apparu comme une non-science (cf le mépris de Bourdieu).
A la recherche d’une reconnaissance comme SCIENCE, la géographie a longtemps voulu trouver la scientificité du côté des
sciences dites « exactes » : science de la nature par ses objets (Humboldt) Science de l’impact de la nature sur la société humaine
(Ritter…) Science de la mesure de la terre (de l’arpentage d’Eratostène aux modèles géométriques de la New Géographie)… la
tentation de l’école française post vidalienne à la spécialisation (notamment en géomorphologie) relève également pour une part
de la quête d’une scientificité « dure ».
Mais deux basculements ont permis à la géographie de sortir de cette contradiction. L’évolution de l’emprise humaine sur le
milieu naturel qui a renversé le regard des géographes sur le « milieu », et l’expansion des sciences sociales dans le champs
universitaire (années 60 et 70) qui a permis de légitimer les sciences humaines tandis que le caractère « objectif » des sciences «
dures » était également remis en cause.
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